samedi 10 mai 2014

Morwenna, de Jo Walton

Titre : Morwenna
Auteur : Jo Walton
Editeur : Denoël

Date présente édition : avril 2014
Couverture :
Illustrateurs : Helen Rushbrook
Pages : 334 pages
Prix : 21,50 euros

Biographie auteur :

Née au pays de Galles, Jo Walton vit depuis 2002 au Canada avec son mari et son fils. Elle est l’auteure d’une dizaine de romans remarqués. Bien que son roman Tooth and Claw, inédit en français, ait reçu le World Fantasy Award en 2004, il lui a fallu attendra la parution de Morwenna pour rencontrer le succès qu’elle mérite.

Synopsis :

                Morwenna Phelps, qui préfère qu’on l’appelle Mori, est placée par son père dans l’école privée d’Arlinghurst, où elle se remet du terrible accident qui l’a laissée handicapée et l’a privée à jamais de sa sœur jumelle, Morganna. Là, Mori pourrait dépérir, mais elle découvre le pouvoir des livres de science-fiction. Delany, Zelazny, Le Guin et Silverberg peuplent ses journées, la passionnent.
                Un jour, elle reçoit par la poste une photo qui la bouleverse, où sa silhouette a été brûlée. Que peut faire une adolescente de seize ans quand son pire ennemi, potentiellement mortel, est une sorcière, sa propre mère qui plus est ? Elle peut chercher dans les livres le courage de combattre.

                Ode à la différence, journal intime d’une adolescente qui parle aux fées, Morwenna est aussi une plongée inquiétante dans le folklore gallois. Ce roman touchant et bouleversant a été récompensé par les deux plus grands prix littéraires de la science-fiction : me prix Hugo et le prix Nebula. Il a en outre reçu le British Fantasy Award.

Critique :

                Indéniablement, Morwenna est un livre différent. Un livre parlant de livres. Qui plus est de science-fiction (en général). En apprenant cela, les doutes sont légitimes. Mais en même temps, qui est mieux placé qu’un lecteur (de SF) pour comprendre l’amour des livres (de SF) ? Alors on positive, on admire un temps la très belle couverture de Denoël (et Helen Rushbrook), on se rassure en regardant les prix reçus par le bouquin, et on se lance.

                Et… l’immersion n’a pas été immédiate pour ma part. Un peu désorienté, à la recherche de repères. Car avant d’être un livre appartenant à la grande famille de l’Imaginaire, il s’agit plutôt d’une tranche de vie. Or, j’aime beaucoup les tranches de vie, mais plutôt sur d’autres supports, comme le cinéma et la BD qui, avec ce côté visuel, me transmettent en général plus d’émotions (sans que ce soit négatif, ni une généralité, j’ai seulement plus tendance à réfléchir sur une lecture qu’à m’émouvoir). Sur un support purement littéraire, j’ai généralement trop l’impression d’un décalage entre le texte que je lis et moi-même, chose que l’image permet de combler au moins partiellement la plupart du temps, si la qualité du jeu d’acteur ou du dessin est là (à mon avis). Durant un temps, j’ai eu ce sentiment d’incompatibilité de pathos entre moi et Morwenna. D’autant plus avec la forme du journal intime qui m’a mis devant un fait difficile à surmonter : mon empathie au monde et celle de la jeune galloise étaient radicalement différentes.

                Mais voilà, Morwenna est un livre qui sort de la norme, et qui pourrait être qualifié de hors-norme, je pense. Comme lorsqu’on rencontre une nouvelle personne, le lien se crée par tâtonnements. Au fil des pages, on commence à connaitre cette jeune fille rescapée. On intègre ses schémas mentaux, aidé au final par la forme du journal intime merveilleusement bien menée, tout en retenue. Après tout, on est derrière le masque de cette fille qui cherche à se protéger des autres du fait de cette différence aux multiples facettes. En plus de cela, le style de Jo Walton apporte beaucoup à la forme. Je parlais de retenue. Morwenna ne s’épanche pas sur sa vie avec un style larmoyant. Pour schématiser ma pensée, on pourrait dire que Jo Walton a opté pour un texte qualitatif sur toute la longueur avec un petit démarrage diesel plutôt qu’un texte efficace dès le début (par le registre de la pitié par exemple) avant de dégonfler sur la durée. Bref, Morwenna ne s’apitoie pas sur elle-même, et nous ne le faisons pas non plus. On suit son regard et ses pensées, puis on interprète.

C’est là où Jo Walton est très forte. Elle ne nous force pas à éprouver de l’empathie par un procédé direct, mais elle nous y incite par des chemins détournés, par cette vision différente du monde, celle d’une jeune fille de quinze ans qui se construit sur un traumatisme, et cela par le biais des livres de SF (pour le côté tranche de vie) et des fées qu’elle voit et la magie (pour l’aspect fantastique du livre). C’est par l’une de ces scènes fantastique que je suis entré de plain-pied dans cette aventure humaine (première rencontre avec Glorfindel, scène éblouissante pour moi). Car il y a des scènes saisissantes, comme il y a aussi au détour de chaque page de petites phrases pleines de finesse qui font toute la subtilité de ce livre. J’ai été happé par la sensibilité de ce livre.

J’en reviens, pour finir, à ma crainte du « livre qui parle des livres », avec cette peur d’un aspect fastidieux de l’énumération. Au final, pas du tout. Ou plutôt, j’ai trouvé cette redondance à en être un peu blasé, mais pas là où je le pensais. C’est l’énumération généalogique du début du livre qui a sûrement participé au fait de ne pas accrocher directement à l’histoire. Tante machin, tante par-ci, etc. Mais le préjudice est faible, en comparaison de la qualité du texte. En ce qui concerne les livres, oui, il y a ce côté égrainage, mais pas de façon fastidieuse car d’une part, il y a de l’enthousiasme souvent qui accompagne chaque titre donné, mais en plus, il y a des réflexions de lecture dessus. Rien n’est stérile dans Morwenna, dans la forme comme dans le fond.

Appréciation : Un livre sans tabou, touchant, « ode à la différence » pour reprendre la quatrième de couverture. Une lecture très rafraichissante, et surtout fantastique, dans tous les sens du terme. Pas d'appréhension à avoir, foncez !
Le jeu des comparaisons : Néant, incomparable.

8 commentaires:

  1. En tout cas, tu me donnes envie de le lire :) je suis plutôt bon public de livres "tranche de vie" (mais de manière occasionnelle).

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  2. Moi je ne me pose même pas la question, les livres qui parlent de livres ça me plait naturellement, alors si en plus c'est des livres de SF ^^

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    1. En plus, c'est une déclaration d'amour aux bibliothécaires, tu devrais aimer... ;)

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  3. Les livres qui parlent de livres, c'est le bien.

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  4. Je crois que "hors norme" est en effet le bon terme pour définir Morwenna. C'est une perle rare :)

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  5. Moi aussi j'ai cherché des repères, mais sans doute est-ce une des raisons pour lesquelles j'ai accroché au récit, en plus de la personnalité de Morwenna. Huhu, moi aussi j'avais peur de l'aspect guide de lecture avec les références aux livres SF, mais je ne l'ai pas ressenti. C'est vrai que la partie généalogie pourrait faire rebrousser quelques lecteurs.
    Très bon choix cette chanson :)

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